Me voici de retour ici pour vous parler d'une visite que j'ai faite vendredi matin (18/12) dans le cadre d'un dossier pour mon Diplôme Universitaire.

Il s'agit d'une bibliothèque créée en 1861 par et pour des ouvriers dans un mouvement associatif. Elle se situe rue de Turenne, dans le quartier du Marais à Paris, même si ça n'a pas toujours été le cas.

En entrant j'ai de suite été frappée par l'odeur de vieux papier et de vieux cuir, puis par la petitesse du lieu.

Quelques petites choses originales m'ont également amusée, comme le classement des livres. Ceux-ci sont triés par ordre d'arrivée dans la bibliothèque et par taille. Ce qui fait que le visuel est superbe, c'est très uniforme, mais pour retrouver un livre, il faut un sacré courage puisque l'on peut par exemple trouver du Voltaire à côté d'un ouvrage technique sur la botanique à droite et un livre de propagande politique à gauche !

Nous nous sommes installés dans la «grande salle de lecture» pour écouter quatre bénévoles nous parler de l'histoire de cet endroit.

D'abord installée dans la mairie du 3e arrondissement, puis dans l'école des arts et manufactures, ce n'est qu'en 1884 que la bibliothèque s'installe de façon pérenne dans ce lieu. Elle était concentrée dans les étages d'un hôtel particulier puisqu'au rez-de-chaussée se trouvait un menuisier. L'activité de menuiserie a cessée, et la bibliothèque s'est étendue sur tous les étages.

« A Paris, quelques ouvriers et artisans aidés des professeurs de l’Association philotechnique dont ils suivent les cours décident néanmoins d’acquérir les ouvrages nécessaires à leur instruction. Leur initiative est puissamment originale. Constituant une association en 1861, ils achètent des ouvrages que les lecteurs comme les lectrices empruntent contre une modique cotisation. Les membres de l’association peuvent suggérer des achats, participer à la vie de la bibliothèque grâce à leur vote. Le succès est certain : les dons de livres affluent tout comme les sociétaires qui viennent parfois de loin dans Paris. Ils sont 300 lecteurs dès la première année et l’on passe à plus de 600 l’année suivante ! Non seulement la BAI est soucieuse de fournir des ouvrages pour l’instruction du peuple (Sciences, Histoire, Droit, etc.)  mais elle admet que les livres dits de « délassement »  (romans, etc.) puissent être demandés. D’autres bibliothèques des Amis de l’Instruction sont créées dans Paris puis en banlieue. Chacune de ces bibliothèques a ses statuts, son catalogue et ses livrets pour les sociétaires. Elles s’associent en un syndicat et organisent des conférences de grande ampleur pour donner au peuple le goût de lire et de s’instruire. »

Le livre entre donc dans les foyers, ce qui n'était pas le cas avant, et cela pour des raisons principalement financières : un ouvrier gagnait environ 1500 francs par an, et un livre coûtait 1,50 francs. Le coût d'un livre correspond donc au coût d'un Iphone, ou un tablette pour des personnes à faible revenu, si l'on faisait la correspondance aujourd'hui. La bibliothèque est alors le moyen pour ces personnes d'accéder à l'instruction, mais également au «délassement» grâce à des romans.

Les femmes sont également admises, elles peuvent s'inscrire et cotiser sans que le mari soit lui-même inscrit, ce qui est en soi une véritable révolution pour l'époque.

Bref, ce lieu et son histoire m'a complètement fascinée, et je suis heureuse d'avoir pu croiser autant de vieux livres ! Pour une féru d'écriture et de lecture, il n'y a pas meilleur endroit que celui-ci !

Si vous souhaitez vous y rendre, sachez que les bénévoles s'efforcent d'ouvrir ce lieu aux visiteurs les samedis après-midi, de 15h à 18h, hors vacances scolaires.

Plus d'information ici : http://www.bai.asso.fr/